Justice et prison
Réflexions - articles de fond
Howard Zehr sur la justice restaurative
Entretien avec Howard Zehr (sous-titré en français)
« Les prisons sont pleines mais elles sont vides de sens » disait Christine Taubira, alors Garde des Sceaux.
A quoi sert de punir si cela ne concourt pas au bien ? Au bien de la victime, de l’infracteur et de la société ? Une autre justice est possible que celle du seul châtiment.
Howard Zehr, le père de la justice restaurative, nous explique dans cet interview les grands principes de cette utopie en marche et qui marche.
Le sens de la peine
Frédéric Rognon, président de la commission Justice et Aumônerie des Prisons de la Fédération protestante et professeur de philosophie à l'université de Strasbourg a donné cette intervention dans le cadre de la formation initiale des aumôniers de prisons en octobre 2011. Ce texte est paru dans le bulletin n°58 de mars 2012.
Dans le ministère d’aumônier, nous sommes sans cesse conduits à nous interroger sur le sens de la peine : pourquoi met-on des hommes et des femmes en prison ? Quel sens y a-t-il à cela ?
Le mot « sens » a lui-même plusieurs… sens ! En français, on parle de « sens » pour désigner nos organes des sens (la vue, l’ouïe, le toucher…), mais ce sens ne nous concerne pas ici ; on en parle aussi pour exprimer la signification (que mettons-nous derrière le mot « peine » ?) ; et on en parle enfin pour exprimer l’orientation, le but, la finalité (à quoi sert la peine de prison ?) Chacun des deux derniers sens du mot « sens » renvoie lui-même à une pluralité de réponses, et nous pouvons nous demander laquelle promouvoir en tant qu’aumôniers.
Spécificité de l’aumônier parmi les divers intervenants en prison
(Pasteur Philippe REYMOND - Genève)
En termes de pouvoirs, l’univers carcéral est singulièrement contrasté. D’un côté on trouve divers intervenants travaillant dans la prison qui, en raison de leur fonction respective et de leurs compétences professionnelles, ont un ou des pouvoirs; et de l’autre côté les prévenus ou les condamnés privés de tout pouvoir. D’un côté des « acteurs » parce qu’ils ont un rôle à jouer ; et face à eux des personnes passives, parce qu’elles sont privées de leur responsabilité. Certes, d’aucuns jugeront cette présentation quelque peu caricaturale, dans la mesure où la personne incarcérée jouit encore de certains pouvoirs, entre autres celui de s’amender. Toutefois, tous ceux qui rencontrent ces personnes privées de liberté, savent combien si souvent elles ressemblent à l’oiseau, qui subitement mis en cage, vient désespérément se blesser les ailes sur le grillage.
De nos jours les ecclésiastiques, qui n’ont plus pignon sur rue, cherchent parfois à valoriser leur ministère pastoral en lui conférant une utilité, à défaut d’un pouvoir. Il est plus que difficile d’accepter son impuissance et de se reconnaître inutile dans un univers où chaque intervenant a un rôle déterminant à jouer en raison du pouvoir spécifique qu’il possède. Que ceci nous plaise ou non, force nous est de constater, qu’une prison sans aumônier fonctionnerait très bien. Peut-être même mieux, aux dires de certains!
L’aumônier vu par un détenu
L’aumônier a un rôle très important : il est l’ami, le confident, le donneur de conseils, et il est aussi le représentant de Dieu et peut réconforter avec des prières, même si tu n’es pas chrétien.
L’aumônerie peut être un espace de culte, de réunion, de prières, c’est surtout une bouffée d’air, de rencontre, et de réconfort. Quand on sortira, si on a un problème, il y aura l’aumônier, même dehors ; c’est très important et peut s’appeler de la réinsertion.
C’est quand on arrive en maison d’arrêt que la main tendue et l’écoute de l’aumônier sont très importantes pour un détenu, quand il n’est pas habitué à ce système. On ne sait pas où l’on va, pour combien de temps, et souvent la seule relation avec l’extérieur ainsi que la compassion viennent de l’aumônier. Dans ces moments-là on est fragile, et l’on pense souvent à faire des bêtises, l’entourage y fait beaucoup ! Quand tu es condamné, tu es rodé, tu as pris tes habitudes. L’aumônier est toujours là si tu es transféré, tu auras un autre aumônier mais Dieu ne changera pas.
Il était sans foi ni loi, fiché au banditisme sans jamais se faire avoir ; ça a duré 20 ans. Il est rentré en prison avec l’envie de mourir, il était blasé. Ca va faire 2 ans qu’il fait des études de théologie, 1 an qu’il est marié. Il a tout oublié, il bavarde souvent avec Jésus. Ceci est le travail en particulier de Lise et Catherine, son 1er et son 2e aumônier, quoiqu’il en ait eu d’autres entre temps.
Texte écrit par un détenu
(région de Marseille)